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Pierre Delion Tout ne se joue pas avant trois ans Albin Michel Ed., janvier 2008 |
En initiant le mouvement « pas de zéro de conduite pour les enfants de moins de trois ans », Pierre Delion et quelques autres ont eu le courage de lancer un cri d’indignation salutaire dans une société léthargique, anesthésiée par le discours des experts en comportements, ces mécaniciens réparateurs ou bien celui des chimiatres, étouffant toute parole personnelle.
Avec « Tout ne se joue pas avant trois ans », il enfonce à nouveau le clou. Son argumentation rigoureuse, toujours portée par l’expérience clinique, nous livre sa conception de l’homme et de sa folie. Le symptôme n’est pas réductible à l’image qu’il produit, nous savons, depuis Freud, qu’il parle, exprimant et masquant à la fois une souffrance, et nous avons appris avec Foucault que toute société cherche à le faire taire pour maintenir l’ordre établi.
Pierre Delion insiste sur cet appel adressé au prochain que constitue l’expression du symptôme et que nous ne sommes guère aptes à entendre, aujourd’hui. Il nous rappelle que le rapport de l’INSERM sur les « troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent » visait à soutenir une politique de santé. Mais, sous couvert de progrès, l’idéologie scientiste instrumentalise les pratiques de soin, d’accueil et d’éducation des enfants en difficultés, à des fins d’ordre public, rejoignant ainsi les politiques les plus détestables, au nom du confort de tous.
Il faut donc du courage, pour entendre et respecter la parole de ces jeunes en déshérence psychique que d’autres cherchent à éliminer. Loin de rejeter les recherches médicales ou les avancées génétiques, l’ouvrage fait clairement la part entre la détermination que reçoit le petit d’homme d’une structuration psychique particulière et son destin lié aux rencontres aléatoires de celle-ci avec le monde extérieur. Il n’y a pas de signes prédictifs de la délinquance ou de la déviance que l’on puisse tirer d’un diagnostic.
Voilà, donc, un écrit salutaire, restaurant la responsabilité fraternelle des êtres parlants que nous sommes. Il dément avec force le noir dessein de ces experts intouchables, prothèses de politiques qui rêvent de manager, sans souci, le bétail humain. Il faut du cœur pour s’opposer, aujourd’hui, à l’asservissement volontaire à la norme statistiquement établie, et dénoncer les dangereuses dérives de certaines visées totalitaires dites de prévention, proclamées comme étant le seul moyen de la sécurité et du bien de tous.
C’est précisément ce cœur qu’avait François Tosquelles que cite Pierre Delion : « Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît ».
Reconnaître la fragilité, sans la stigmatiser, comme gage d’appartenance de chacun de nous à la communauté des hommes -que nous soyons malade, délinquant, infans ou fou, voilà l’urgence qu’énonce « Tout ne se joue pas avant trois ans ». A mettre entre les mains de tous ceux qui souhaitent continuer à jouer après trois ans de leur santé fraternelle pour que survive l’humanité de l’homme !
GAR
Avril 2008