La psychothérapie institutionnelle comme référence théorique


(Extrait du projet d'établissement du Centre de Guénouvry - 2006)

La référence à la psychothérapie institutionnelle, issue de la recherche freudienne, implique une théorie de la psychose : la structure de cette pathologie, génère chez les enfants autistes et psychotiques en carence de lien social, un défaut de leur capacité à symboliser (c’est-à-dire à mettre un objet, puis un mot, à la place d’un autre objet). Quelque soit le facteur premier de la carence, déficit ou défense, les deux s’entretiennent mutuellement.


Se saisir de la psychothérapie institutionnelle, c’est se saisir d’un outil socialisant qui permet de guider le jeune en difficulté, comme tout autre enfant, dans les méandres de son labyrinthe relationnel. C’est lui permettre de s’approprier sa responsabilité, en l’intégrant au processus co-créatif nouant par la parole toute communauté humaine.


L’institution se définit comme « l’ensemble des formes ou structures groupales tel qu’établies par la loi ou la coutume et dont la stabilité garantit l’accès à la dimension d’humanité spécifiée par le langage » (Ginette Michaud : « La borde, un pari nécessaire »). Ainsi, la psychothérapie institutionnelle met en jeu des instances dont la fonction première consiste à susciter l’échange. Elle module l’espace et le temps selon les perspectives du cadre (articulation de lieux de rencontre et de parole, d’espaces propices aux évènements, d’activités productrices ou créatrices, de groupes de travail (exemple : articulation du conseil des enfants au conseil de la vie sociale, etc.). Son organisation dynamique, en restaurant la communication, s’oppose par ses exercices permanents de socialisation, aux phénomènes chronicisant et pathogènes des institutions chosifiant les individus.


Pour Jean Oury, il s’agit « de faire avec ce qu’il y a là », des repères d’espace et de temps, en pariant sur le potentiel vital, « au-delà de l’instinct de mort », pour retrouver la voie d’un investissement psychique, s’arrachant à la régression et au repli narcissique.


À Guénouvry, « ce qui est là » est ce qui confronte à la réalité : une ancienne école communale, dans un site rural esthétique, permettant élevage et culture. C’est aussi un bourg habité par des artisans et des paysans, tolérant ces exclus du cadre général du lien social que sont les enfants autistes et psychotiques.


Pour nouer ces différents paramètres, la psychothérapie institutionnelle s’appuie sur :


– Une théorie de référence (une théorie de la psychose et du lien social référée à la psychanalyse).
– Un cadre technique structurant (« un lieu pour dire », espace dynamisant les échanges).
– Un rapport à l’histoire (avec des sujets hors jeu de la filiation, un travail étroit avec les familles est essentiel).

Modulant soin individuel et soin groupal, l’institution a une fonction de « conservatoire collectif des histoires singulières » (Jacques Hochmann), à la condition de prendre en compte, en permanence, les phénomènes transférentiels.


Elle doit donc créer de l’hétérogène pour promouvoir les passages d’un point à un autre, privilégiant l’instituant par l’analyse de l’institué. Dans ce but, elle met en place des verrous structurels qui permettent, à la fois, d’ouvrir les mécanismes de défense de l’autisme et de baliser le hors jeu de la psychose : les lieux différenciés en oppositions significatives (différenciation et confrontation des lieux), les uns par rapport aux autres, marquent le passage constant entre le dedans et le dehors (ateliers diversifiés, lieux d’apprentissage, lieux d’expression individuelle ou groupale, lieux d’activités dites « de réalité », concernant le quotidien, lieux intimes d’hébergement en famille d’accueil). Le discours qui noue cette multiplicité, induit un sentiment d’appartenance commune, favorisant l’échange et la transmission d’affects éprouvés en situation. Les évènements, ainsi cadrés, sont configurés dans une élaboration psychique narrative constante. La mise en récit, dans des lieux distincts mais articulés, offre à chacun la possibilité de co-création d’une histoire personnelle.


S’il n’y a pas de subjectivité sans intersubjectivité, ni de subjectivation sans relation interpersonnelle, la psychothérapie institutionnelle - concevant toute société comme soumise, en priorité, à la parole - dynamise le processus d’intégration et demeure le vecteur essentiel de la citoyenneté d’enfants en grande difficulté psychique.

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