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Pédagogie Institutionnelle

C'est quand les techniques et les institutions donnent à tous parole et pouvoir que les participants retrouvent leur désir, que le milieu scolaire devient éducatif, et à l'occasion thérapeutique. L'initiateur de la pédagogie institutionnelle s'appelle Fernand Oury, et pose les fondements de sa pédagogie dans les années 50, à partir de sa propre pratique de classe. Il se refuse à reproduire ce qu'il voit dans certaines écoles "casernes" et tente d'inciter ses élèves à être acteurs de leur apprentissage. Dans l'école traditionnelle, les lois sont implicites, imposées au bon vouloir du maître. L'enfant ne peut s'y repérer et savoir pourquoi on lui demande de faire telle ou telle activité… "Suis-je condamné à fabriquer en série des citoyens, des producteurs dociles sachant lire des textes choisis par d'autres, écrivant sous la dictée et qui comptent l'argent des autres ?"

La rencontre avec Célestin Freinet va répondre à ses doutes pédagogiques : Freinet est l'homme du moment, celui qui va transformer les rêveries pédagogiques en réalités quotidiennes. François Tosquelles, Jean Oury,psychiatre, et Aïda Vasquez, psychologue, permettent d'avancer quelques hypothèses de base de la pédagogie institutionnelle. Notons que Fernand Oury est également en étroite collaboration intellectuelle avec le psychanalyste Jacques Lacan, pendant plus de 10 ans.

Fernand Oury poursuit sa recherche pédagogique en se spécialisant dans l'enseignement des enfants "arriérés" en 1955 puis dans l'enseignement d'enfants handicapés en 1963.

Alliant le matérialisme, la dynamique de groupe et le travail sur l'inconscient, Fernand Oury crée sa "théorie du trépied" :

Le premier pied fait une large place aux techniques Freinet en favorisant le rapport à la production chez l'enfant (Dewey, Makarenko). : Le journal scolaire imprimé, l'enquête album, la correspondance structurée entre enfants, le travail individualisé…

Le second pied s'intéresse à la dynamique de groupe et à l'observation de l'enfant dans le groupe-classe,dans la lignée de Bion, Lewin et d'autres.

Le troisième pied prend en compte la psychanalyse, influencé par Lacan, Dolto, Freud, et le mouvement de la psychothérapie institutionnelle, avec J. Oury et F. Tosquelles.

Cette théorie est renforcée par le Conseil de coopérative, qui existe déjà chez Freinet mais qui se différencie chez Oury en plaçant l'accent sur le relationnel. Dans le conseil, on ne confie de pouvoir aux enfants, que lorsqu'ils ont acquis une compétence dans un domaine; à une compétence équivaut une responsabilité, à une responsabilité équivaut une bribe de pouvoir. Le conseil est le lieu où la parole engage, on peut y parler sans crainte, rien de ce qui y est dit ne peut provoquer une sanction. C'est avant tout un lieu de recours où l'on peut se plaindre, critiquer, proposer, demander. C'est le seul lieu de décision, permettant de partager le pouvoir entre eux et avec l'enseignant. C'est un moment privilégié qui aide l'enfant à entrer dans le langage.

L'institution clé constitue essentiellement en des "lieux de paroles" mis en place dans les classes : ces lieux sont au nombre de trois : il y a d'abord l'entretien du matin, qu'on appelle le "quoi de neuf ? , ensuite vient le choix de textes où les enfants présentent une histoire vraie, imaginaire, la clé de voûte restant le Conseil.

Le conseil est aussi en quelque sorte une réunion thérapeutique. Pour élaborer toutes les compétences, Oury s'est aussi inspiré de son expérience de judoka, partant du postulat de départ qu'une classe homogène n'existe pas. Les ceintures de niveau permettent aux enfants d'évaluer leur réussite dans tel ou tel domaine d'activité de la classe. Une ceinture élevée se doit d'aider un débutant, autrement dit, plus un enfant a une ceinture élevée, plus on peut être exigeant avec lui. Grâce au tableau des ceintures affichées en permanence dans la classe, les enfants savent toujours où ils en sont. L'entraide et la fraternité existent et l'enseignant donne toute sa place à la parole de l'enfant.

D'un autre côté, la pédagogie institutionnelle refuse en bloc l'approche non-directive. Un enfant à qui on laisse faire tout ce qu'il veut ne peut pas avoir envie de grandir. Un enfant peut se constituer contre une loi, mais pas contre du brouillard. Il faut qu'il y ait des lois en classe qui ne soient pas transgressées. Si elles le sont, on en parle au conseil.

Si l'enfant perçoit le lieu classe comme un endroit de repères, de sécurité, de vie, où l'on peut régler des questions, il va progressivement prendre en charge sa vie d'écolier. Il va retrouver le plaisir d'apprendre, à travers son engagement, ses initiatives…

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Ce texte est extrait du site de la CGé - ChanGements pour l'égalité - Bruxelles

Pour aller plus loin ...

- De Smet Noëlle, article "Faire de la pédagogie institutionnelle", http://www.changement-egalite.be/spip.php?article896