Historique du Centre de Guénouvry
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Le Centre de Guénouvry a été créé en 1974
sous le nom « d’Ecole Expérimentale de Guénouvry ».
« Pour en garantir la légalité », comme ils l’écrivent,
Yves et Rose-Marie Guérin « suscitent une association, support
administratif, moral et financier de l’école » ! L’Association
de Recherche Thérapeutique et Psychanalytique (ARTP, association loi
1901) est déclarée le 20/09/1974, au journal officiel. Elle est
principalement l’œuvre de psychanalystes, contactés à
Rennes et Nantes : MC Ortigues recommandée par Maud Mannoni, J. Perroy,
C. Vaillant Bosseur. Son objet est de :
- « Promouvoir, dans une perspective thérapeutique, une recherche
psychanalytique et pédagogique à propos des problèmes psychiques
chez l’enfant.
- Favoriser la diffusion et les échanges.
- Créer une ou plusieurs écoles expérimentales, lieux de
vie thérapeutiques, en milieu rural et artisanal, en créant des
activités agricoles et d’élevage.
- Fournir des possibilités de stage. »
Une précision, d’importance, est, d’emblée notée par la fondatrice : « comme actuellement l’Ecole Expérimentale de Guénouvry est la seule réalisation de l’ARTP, il semble nécessaire de rappeler que les buts de l’association et ceux de l’école ne se confondent pas. En particulier, la recherche psychanalytique, qui est l’un des buts de l’association, ne doit pas être confondue avec l’activité pédagogique de l’école » !
Histoire :
La préhistoire du
Centre de Guénouvry s’écrit comme une légende : Rose-Marie
et Yves Guérin furent les fondateurs de l’Ecole Expérimentale
de Bonneuil sur Marne, rendue célèbre par Maud Mannoni. Celle-ci
avait conseillé à Rose-Marie Guérin, s’occupant d’un
enfant qui ne trouvait de place nulle part, de créer un « lieu
de vie ». Dans le pavillon personnel du couple, furent accueillis, à
la rentrée 69, sept enfants en difficultés. La petite collectivité
urbaine draina, alors, des étudiants stagiaires en grand nombre, intéressés
par l’expérience nouvelle et attentifs aux propos de Maud Mannoni,
se référant à Jacques Lacan.
Celle-là écrivait, ainsi, en 1969, un rapport aux parents : «
le problème de la ségrégation n’est pas un problème
purement politique. Au cœur de chacun de nous, il y a place pour le rejet
de la folie, c'est-à-dire pour le rejet de notre propre refoulé
». Elle cherchait à sortir ses petits patients des discours figeants
(psychologiques, médicaux, administratifs, familiaux). Leurs états
n’étaient pas considérés, par elle, comme définitivement
figés, mais comme des symptômes évolutifs capables de sortir
de la relation stéréotypée, si on pouvait les entendre
comme « appel d’humanité ». Sa conception de «
l’institution éclatée » offrait plusieurs pôles
entre lesquels le patient pouvait circuler : atelier, travail thérapeutique,
école, stage chez l’artisan, accueil de nuit, lieux d’exil
(séjours de rupture) en province, dans des familles d’accueil.
En juillet, « Bonneuil » effectuait des séjours d’été
au Grand-Fougeray. Là, naquit l’idée de créer un
« Bonneuil à la campagne ».
C’est dans l’ancienne école communale désaffectée, que le couple d’éducateurs ouvre, en septembre 1974, « l’école expérimentale de Guénouvry », pour une location dérisoire de 120 F. par an (somme identique aujourd’hui, 18.29 € !). Trois enfants (Bénédicte, Claire, Bertrand) y sont inscrits et hébergés, par la famille Guérin.
De septembre 1974 à septembre 1977, « l’école expérimentale » fonctionne sans agrément. En un an, le nombre d’enfants passe à 15, chiffre qui deviendra définitif, jusqu’à aujourd’hui (16-projet d’extension 25). La nuit, les enfants sont accueillis chez les salariés ou dans des familles d’accueil. Au couple salarié, s’adjoint en février 1975, un poste à mi-temps de maîtresse de maison. C’est l’origine de « la cuisine », centrale dans l’architecture de l’école, et pilier du soin et des activités du Centre. Les premiers salariés, après Yves, Rose-Marie Guérin et Yvette Blin (cuisinière), seront : Christian Lucas (fondateur, dix ans plus tard, des « Enfants aux pays », institution de même type, à Poligné, en Ille et Vilaine), Martine Lélu et Pierre Langlois, figures historiques des trente premières années. Dès le départ, des stagiaires bénévoles, étudiants (psychologues, éducateurs, médecin) constituent la « trame soignante et éducative ».
Auréolé d’une histoire réputée, le lieu attire de nombreux professionnels ou étudiants de Rennes et Nantes, intéressés par la psychanalyse et la théorie avancée par Maud Mannoni. Deux analystes Jean Perroy (Nantes) et Chantal Bosseur (Rennes) interviennent durant la première année.
Le financement, au cours de cette période, provient de deux sources : pour moitié, paiement de la scolarité par les parents, prises en charge DDASS, au titre du recueil temporaire, pour l’autre moitié.
Les démarches engagées, dès le départ, pour obtenir un agrément aboutissent en juin 1977 : l’école expérimentale devient « Centre de Guénouvry », agréé au titre d’institut de rééducation psychothérapique (IRP). L’année suivante, en 1978, un service d’accueil familial spécialisé (aujourd’hui CAFS) est créé, regroupant 15 assistantes maternelles, encadrées par une partie de l’équipe éducative du Centre. Ce système permet à des enfants jeunes (en majorité au dessous de dix ans) de ne pas être enfermés en internat, mais d’avoir leur place dans le tissu social. La constitution d’une équipe permanente, inscrit le projet dans une durée, et le dynamisme de la petite collectivité le remodèle, pour en faire un projet commun. Le plateau technique est composé de 8 ETP : un pédo-psychiatre à ¼ temps, une psychologue à ¾ temps (B. Roy toujours présente, témoin de l’histoire), 6 éducateurs : 3 temps pleins, 3 temps partiels, ayant des tâches pouvant être interchangeables, favorisant la dynamique du groupe et la relation aux enfants. Le poste d’institutrice, détachée de l’éducation nationale est occupé par Gigi Bigot, aujourd’hui conteuse. Ainsi, le centre de Guénouvry a toujours mis en jeu l’histoire. Les histoires singulières peuvent s’y exprimer selon le principe de narrativité, cher a ceux qui soignent ces pathologies, en se référant à la psychnalyse.
A l’origine, le type d’enfants accueillis est ainsi défini (âges 4 à 14 ans) : « afin de réaliser un équilibre dynamique et de favoriser une prise en charge mutuelle des enfants, sont mêlés dans le groupe : des enfants psychotiques, autistiques (un tiers environ), des enfants dits débiles ( un tiers) et des enfants présentant des troubles caractériels, des blocages scolaires… » (1).
Cet équilibre sera difficile à conserver. La réputation du Centre, les principes de non ségrégation qu’il affirme, attireront à l’institut de rééducation psychothérapique les pathologies les plus lourdes. A tel point que le statut sera mis en question, dans les années quatre vingt dix, l’administration proposant de reclasser l’IRP, devenu IR, en IME. Les enfants autistes et psychotiques bénéficient, eux aussi, du site rural exceptionnel, font lien avec les artisans et commerçants du bourg et s’inscrivent dans l’école communale comme le faisaient les écoliers du début du siècle. La qualité des lieux, leur esthétique, crée une « ambiance » favorable à tout type de pathologie.
Le Centre d’Accueil Familial Spécialisé, élabore un travail spécifique avec des assistantes maternelles qui, tout en conservant leur spontanéité, se professionalisent : en 1992, elles obtiennent une première reconnaissance sociale, salariées du Centre, elles sont mensualisées.
Au cours des années quatre vingt, l’institut témoigne de sa vitalité, traversant les crises, et les surmontant par la circulation de la parole au sein du collectif : en 1984, il est proposé à l’ensemble de l’équipe de repenser le projet institutionnel. Chacun se met au travail et le groupe animé par le pédo-psychiatre, J. Guillotin, s’il n’aboutit pas à la rédaction d’un projet, malgré les nombreux écrits, suscite des échanges et, par sa dynamique, relance le processus de soin.
Le projet est enfin rédigé, en octobre 1992, suite à la réforme des annexes XXIV. Il permet d’éclairer et de structurer le fonctionnement institutionnel, jusqu’alors très pragmatique. Son éthique s’énonce ainsi : « Notre pratique est fondée sur le respect d’autrui ; quelles que soient ses difficultés, chacun est reconnu dans son humanité et sa singularité. Etre de langage, il est à entendre dans sa parole et dans ses symptômes, donnés à voir ou qui échappent du corps et font signe… »(2). Il se réfère explicitement à la psychothérapie institutionnelle, se tournant clairement vers la prise en compte de la dimension psychique et son soin. Il réaffirme la nécessité de travailler le cadrage institutionnel, donnant la priorité au respect des personnes et donc de leurs symptômes. Le repérage du droit des familles et de leur enfant, se fonde de la désignation de la place de chacun (enfant, parent, institution) et de ses limites (chacun pouvant parler de sa place et non à la place de l’autre). L’objectif est de soulager les familles, en répondant à leur souffrance. Si les enfants sont séparés, en semaine, pour s’approprier leur propre espace, les parents peuvent travailler leur rapport à un enfant en difficulté psychique, grâce aux entretiens réguliers avec la psychologue, le pédo-psychiatre et un éducateur spécialisé. C’est dans l’élan de l’écriture d’un projet que des évènements fatidiques vont infléchir le cours de l’histoire : en 1998, Rose-Marie Guérin, directrice du Centre, est atteinte d’une grave maladie, elle doit s’arrêter au moment où un éducateur, décède. J.E. Batardière, éducateur spécialisé, prend la direction pédagogique, Yves Guérin, la direction administrative (il prendra sa retraite fin 1999).
Les années 2000 :
Le renouvellement de la direction pose problème à la DDASS qui souhaite nommer un chef de service et délocaliser le Centre de Guénouvry, faisant fi de sa spécificité. L’ Association, après avoir plaidé la complexité de la structure (avec ses deux services IR et CAFS) et sa singularité répondant à un important besoin en Loire-Atlantique, nomme un directeur, en septembre 1999. G. Rousseau a la particularité d’avoir pratiqué la psychothérapie institutionnelle, en tant qu’analyste, et d’avoir été responsable de formation à la filière des directeurs d’établissement social, à l’Ecole Nationale de Santé Publique. Son objectif est de poursuivre une histoire riche d’enseignement, pour ceux qui soignent les enfants autistes et psychotiques, tout en mettant le Centre de Guénouvry, en conformité avec les nouvelles lois. Cette volonté d’adaptation au monde, implique une évolution du Centre. Il s’agit, d’abord, de privilégier l’échange. C’est la parole qui maintient en vie, et permet de dépasser les évènements tragiques (décès de Rose-Marie Guérin en octobre 2003), en nouant le collectif. La priorité est donnée au travail de ré-animation (en référence à M.Mahler qui parle à propos de l’autisme, de « désanimation »), pour multiplier les échanges aussi bien extérieurs, qu’intérieurs : « l’ambiance » (cf J. Oury), les qualités relationnelles de l’équipe, permettent d’envisager l’avenir avec lucidité. Un site internet est créé en juin 2003, incitant chacun à écrire et rendre visible le travail du Centre. Une journée d’étude, « un lieu pour dire », rassemble en novembre 2004, plus de trois cents personnes à Guémené-Penfao !
Il faut dire qu’en octobre 2002, le conseil d’administration a été renouvelé dans sa quasi-totalité. Mme Mahot (retraitée : ancienne directrice pédagogique de l’institut Lamoricière) et Mr Taillandier (Maire de Guénouvry) ont été élus Présidente et Vice-président. Leur dynamisme, leur esprit militant, impulsent un nouvel élan visant la pérennité du Centre, par le renouvellement de son projet, son extension et sa mise en conformité.
Aujourd’hui, l’association s’interroge sur les possibilités de vie de l’institut dans le cadre des nouvelles politiques médico-sociales. Le statut singulier du Centre, toujours « expérimental » (population atypique, souvent « incasable », toujours rejetée) et sa taille réduite (peu de moyens administratifs et financiers), lui laisse peu de chance de poursuivre sereinement sa route dans un contexte de concurrence.
C’est pourtant l’héritage de la pensée des promoteurs, en concordance avec les aspirations de la loi du 02.01.2002, qui a guidé la démarche de soin à des enfants en grande souffrance psychique, façonnant ainsi, tout au cours de l’histoire, un savoir faire spécifique.
Un texte récent (2004) atteste de cette évolution :
Sont accueillis actuellement 16 enfants, de 7 à 14 ans, (agrément 4 – 14 ans) présentant des troubles du comportement, de la communication (y compris autistes et psychotiques), avec ou sans déficience intellectuelle associée. Répondant, au cours de l’histoire et grâce à un agrément spécifique, à un besoin de places pour ce type d’enfants, besoin toujours plus criant, aujourd’hui, en Loire-Atlantique pour ce qui concerne l’autisme et la psychose. Le comportement de ces enfants, en perte de tout rapport à la réalité, rend très difficile leur vie familiale et quasi impossible, dans un premier temps, les relations sociales.
L’accueil s’est toujours pratiqué dans le respect de ces jeunes très perturbés, grâce à son environnement rural privilégié, favorisant l’interactivité avec le village, et le réseau d’assistantes maternelles dans les cités voisines (Guémené, Derval, Nozay…)., permettant de ne pas les isoler du monde, de les socialiser et de les reconnaître comme tout autre enfant, dans leur place de citoyen (exemple : participation à la vie et aux activités sociales le soir et le mercredi après-midi…). La question de la place faite à la demande potentielle de ces sujets et surtout à celle de leur famille est prépondérante dans le travail de l’institut de rééducation. Celui-ci est, d’abord et avant tout « un lieu pour dire », condition d’approche des questions posées par les symptômes.
Les atouts du Centre, étant
donnée la typologie des enfants (autistes et psychotiques) sont :
- la dimension humaine (adaptée à des situations difficiles)
- l’implantation locale, rurale (calme et sécurité)
- la distance (et le processus d’aller-retour entre différents
pôles) qui permet aux enfants de trouver une place et aux familles qui
le demandent, de souffler, en semaine.
Cet ensemble de conditions spécifiques a pour fonction de restaurer l’image et l’estime de soi, chez ces patients, modifiant leurs représentations et leur rapport à autrui (les arrachant à une relation stéréotypée). Ces conditions constituent une réponse particulièrement pertinente et adaptée aux besoins des jeunes en difficulté et de leurs familles.
Ethique :
Pratique historiquement
fondée sur le respect de la personne handicapée, du principe de
non ségrégation et d’accueil du symptôme.
Quelles que soient ses difficultés l’enfant est reconnu à
la place qui est la sienne dans son humanité et sa singularité.
Etre de langage, il est entendu dans sa parole et dans ses symptômes qui
font signe.
C’est donc du fonctionnement institutionnel et de son organisation (psychothérapie
institutionnelle) que nous devons attendre des effets thérapeutiques,
dès l’accueil de l’enfant (et de sa famille). L’institution
a pour fonction de faire place à un sujet, elle est centrée sur
son projet en garantissant des lieux, nécessaires à sa propre
expression.
Janvier 2006,
G. Rousseau
(1) textes fondateurs écrits
par R.M. Guérin(1974).
(2) Projet institutionnel (1992).