Accueil

Lectures


Michel Schneider

La confusion des sexes

 

Café Voltaire/Flammarion, 2007

«Celui qui promettra à l’humanité de la délivrer de l’embarrassante sujétion sexuelle, quelque sottise qu’il choisisse de dire, sera considéré comme un héros» prédisait Freud, en 1914.

En polémiste incisif, Michel Schneider nous montre, dans « La Confusion des sexes », que la sottise s’est emparée du discours contemporain. On peut lui reprocher, comme le fait la presse, ses excès, mais s’agit-il vraiment d’excès ? Michel Schneider est le seul à oser écrire ce que certains pensent en sourdine, préférant refouler leur audace intime, face au battage médiatique claironnant l’indifférenciation généralisée.

Comment, dans notre monde égalisé, penser le sexe, sans l’altérité ? Contre l’historique domination masculine, le tsunami désexualisant, sur lequel surfe l’écrivain Frédérik Pajak, s’énonce ainsi : « Je suis un homme d’aujourd’hui, c’est-à-dire une couille molle ». Dans son désir de faire taire l’éternel malentendu homme-femme, la tentative politique d’arasement des différences s’attaque à cet archaïsme qu’est la sexualité masculine.

Ainsi, en nous délivrant du mâle, les nouveaux moralistes s’appuient sur le déni de la relation entre les sexes » pour dénouer l’assise symbolique de ce rapport impossible. Ils infirment les propos de Baudelaire, dans « Mon cœur mis à nu » : « Le monde ne marche que par le malentendu. C’est par le malentendu universel que tout le monde s’accorde. Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s’accorder ».

Funeste désymbolisation qui, en supprimant l’interdit, dans un vaste mouvement de délégalisation, fait entrer les interdictions nouvelles et infinies, dans la sphère privée, judiciarisant la sexualité, pénalisant certains comportements dits déviants, diabolisant certaines pratiques politisant les rapports, et… féminisant les mots eux-mêmes.

On comprend pourquoi les politiques ont l’heur d’inspirer Michel Schneider. Sans doute ne lui pardonneront-ils pas ce genre de phrase : « Députés ineptes et ministres malhabiles (…) lancent dans la nuit les signaux de leur détresse idéologique ». En ces temps de campagne présidentielle, où se joue l’élection à une fonction, oh combien symbolique, l’interrogation de Michel Schneider n’est pas sans intérêt. Elle nous enjoint de ne pas confondre féminité et féminisme. Le polémiste est féroce avec Marie Ségolène Royal, « petite mère des gens », « candidate de l’insoumission », promise dans ses propos mêmes, à la gestion de notre « caserne libertaire ».

On peut, pourtant, regretter que ses agressions contre le « socialisme moral et politique », si elles se justifient par la désexualisation masculine, ne visent qu’une orientation politique. Cet arasement du désir qu’illustrent les propos de Michel Schneider, se retrouve à l’intérieur de chaque famille politique et se moque de la fausse différence droite-gauche instrumentalisée par les médias dans la lutte pour la présidence. Marie Ségolène Royal n’est que le symptôme d’une époque dont les modes tentent de manipuler le patrimoine symbolique par la désexualisation masculine, jouant avec une arme de destruction humaine massive, plus dangereuse encore que le nucléaire , «le narcissisme de masse égalitaire et individualisé » vectorisant habilement le discours courant contemporain.

C’est le mérite de Michel Schneider de refuser de se taire. Il nous montre les ravages que peut produire la politisation des pratiques sexuelles quelles qu’elles soient. 0r, au détour d’une note de bas de page, il relève un lapsus dans le nouveau discours moraliste, à propos du maître-mot d’homophobie : Alors que celui-ci devrait désigner la peur ou la haine de celui qui aime le même, le mot est employé par nos progressistes auto-destructeurs, à contresens, puisqu’il signifie peur ou haine du même !

L’espoir, quant à l’avenir de l’humanité, peut renaître d’un lapsus !

G. Rousseau
Mars 2007

Haut de page